Le travail dans les sociétés contemporaines : enjeux normatifs et moraux
Le CR15 organise trois séances thématiques et trois sessions communes, qui examinent divers enjeux normatifs et moraux associés au travail dans les sociétés contemporaines. Votre proposition de communication doit préciser votre choix de séance.
Session 1. Le travail de la fin. Sociologie des transformations morales et normatives du travail face au défi écologique
Les transformations environnementales actuelles laissent présager la fin d’un monde : celui qui s’est construit et mondialisé avec le couple « travail / consommation », au service de l’accumulation infinie, dans une recherche elle-même sans limite de productivisme et de marchandisation. Dans cette session, il s’agira de partager et de confronter les travaux de recherche portant sur le travail dans ce contexte de la fin d’un monde. Quelle sociologie peut-on faire des acteurs en présence (capitalistes, États, citoyens, consommateurs, travailleurs, syndicats, militants, médias, députés, lobbys, experts…), de leurs discours sur le présent et l’avenir du travail ? Quelles sont leurs pratiques réelles ? Quels conflits de normes observe-t-on ? Comment rendre compte des rapports sociaux à l’œuvre, dans un moment où apparaissent de nouvelles formes de militantisme et des mouvements sociaux mondiaux inédits ? Quelle morale est portée par ces acteurs ? Quelles sont les expérimentations pour d’autres formes de travail et de consommation (commun, survivalisme, autoproduction, décroissance…) ? Enfin, qu’est-ce que ce contexte modifie du métier même de sociologue du travail, des catégories de pensée qu’il mobilise, de son agenda de recherche et de son rapport à l’objet ?
Session 2. Que devient le travail dans une « économie de plateformes » ?
Les nouvelles formes d’activités qui se développent dans une « économie des plateformes » bousculent les frontières du travail et mettent la relation d’emploi sous pression. Ce type d’économie soulève des questionnements relatifs aux nouvelles formes d’emplois qui émergent et aux conditions de travail, aux profils des travailleurs qui y ont recours, au droit du travail de même qu’au nouvel ordre moral qu’elle fait émerger. Afin de saisir les enjeux économiques, sociaux et normatifs de ce type d’économie, nous sollicitons des communications présentant des perspectives théoriques et des résultats de recherche empiriques sur le thème du travail dans l’économie de plateformes. Qui sont les travailleurs des plateformes ? Travailler pour des plateformes transforme-t-il le rapport au travail ? Les dimensions de la relation salariale sont-elles remises en cause ? Les plateformes façonnent-elles de nouvelles frontières entre travail, activités et loisirs ? Le travail pour des plateformes a-t-il une fonction libératrice ou aliénante ?
Session 3 : La nouvelle gestion publique et le rapport au travail
L’objectif de cette séance est d’examiner les rapports complexes entre l’activité de travail et la subjectivité de la main-d’œuvre, à l’aune des pratiques inspirées de la nouvelle gestion publique (NGP). Non seulement nous intéressons-nous aux transformations qui affectent les organisations publiques, mais également à l’influence de ces mutations sur les acteurs qui les implantent et les subissent. Pour ce faire, nous proposons une série de questions qui, sans être restrictives, nourriront les échanges lors de cette session consacrée à l’analyse des formes contemporaines de rapport au travail au regard des pratiques inspirées de la NGP. Quel est le rapport au travail attendu par le discours managérial contemporain, tant du point de vue de l’ethos du travail, des champs d’identification au travail que des modes d’implication ? S’agissant des cadres, dont le rôle se complexifie dans les organisations publiques, en quoi les rhétoriques managériales associées à la NGP affectent-elles leur rapport au travail, notamment leurs représentations et leur manière de vivre le travail ? S’agissant des professionnels, en quoi les transformations étatiques inspirées de la NGP affectent-elles la dynamique de transformation de leurs professions ?
Session commune CR07-CR15
La formation tout au long de la vie : « grand récit » ou simple instrumentation de l’accompagnement individualisé des parcours professionnels ?
Dans les années 1990, puisant ses fondements idéologiques dans des sources diversifiées, la Formation tout au long de la vie (FTLV) s’est imposée comme un nouveau grand récit destiné à renouveler en profondeur l’Éducation permanente. Au vu des évolutions à l’œuvre, cette perspective, promue par l’Union Européenne, n’a-t-elle pas changé de nature en raison de l’emprise croissante de l’instrumentation induite par l’objectif politique consistant à sécuriser les parcours professionnels ? En d’autres termes, de secteur autonome de l’action publique, la FTLV n’est-elle pas devenue une simple composante de politiques de l’emploi renouvelées pour faire face à l’incertitude croissante qui caractérise les marchés du travail et les carrières individuelles ? Au titre d’une injonction générale à promouvoir l’employabilité, n’intervient-elle pas en tant que rouage technique parmi d’autres (orientation, bilan de compétences, conseil en évolution professionnelle etc.) de l’accompagnement renforcé des personnes que requerrait la sécurisation des parcours ? Répondre à ces questions appelle un examen ciblé et/ou comparatif de la mise en œuvre de la FTLV comme des politiques de l’emploi.
Session commune CR15-CR19
Sociologies cliniques du travail
Cette session rassemble les communications portant sur le travail, les organisations, le sens et la santé au travail, les professions et mouvements sociaux, lorsqu’ils sont abordés avec une posture clinique. Il entend faire le point sur les productions scientifiques francophones en cliniques du travail, sur la problématique des évolutions normatives et morales au travail : quelles sont les transformations normatives de l’emploi et de la prescription dans les différents milieux de travail ? Quel sens prennent-elles selon les groupes sociaux, pays, métiers, sexe, trajectoires… ? Quelles sont les contradictions et paradoxes, y compris moraux, à l’œuvre dans le travail contemporain ? Comment se transforment-ils –ou pas– en conflits et donc en une régulation normative ? Quelle subjectivation est alors requise ?
Les communications pourront également, dans une perspective réflexive, interroger les adossements normatifs de la recherche clinique lorsqu’elle se dit ou se veut critique. Des communications épistémologiques et méthodologiques sur l’ambition émancipatrice de l’approche clinique sont également les bienvenues surtout si elles sont mises en lien avec la problématique de la morale. On pourra notamment explorer à partir de cas concrets, quelles transformations normatives ces recherches cliniques permettent de réaliser avec les travailleurs.
Session commune CR15-CR22
Entreprise et travail : quelle place pour la morale ?
Comme institutions majeures de nos sociétés contemporaines, le travail et l'entreprise constituent des espaces de socialisation, dont les traces en termes de construction de soi et de lien social sont altérées par les transformations accélérées des situations de travail. Pour un nombre croissant d’individus, le travail se présente sous sa forme du job, voire de l'activité empêchée ou du bullshits, là où ils aspirent à pouvoir s'y réaliser. De l'autre l'entreprise est considérée sous un lien contractuel et instrumental quand elle ne vise plus une intégration durable et une trajectoire possible par le développement de l'employabilité. De l'acteur ou du système, la production morale relève plus d'un questionnement que d'un enjeu pour les sociologues. Des exemples variés pourraient ainsi instruire cette question en montrant la manière dont les individus et collectifs investissent la sphère du travail et de l'entreprise selon ce registre du normatif, du sens ou de l'instrumentalité.