AISLF Tunis 2021

Le Congrès est organisé à distance

CR20 - Comparaisons internationales

Correspondante pour le Congrès : Julia RESNIK - julia.resnik@mail.huji.ac.il


Appel à communiquer du CR20


Comparer des morales : individus, politiques et territoires

Le thème du congrès de l’AISLF se prête tout particulièrement aux centres d’intérêt du CR20. Les comparaisons internationales peuvent en effet participer à la circulation des normes morales et à leur homogénéisation, comme être perçues comme des opérations visant la neutralité scientifique et permettant de s’affranchir des questions morales. Ces deux approches peuvent être discutées de différentes manières en essayant de répondre aux interrogations suivantes :

  • Comment les enquêtes comparatives internationales standardisent-elles des visions normatives du monde ? Comment permettent-elles d’étudier de façon dépassionnée des thèmes sensibles au niveau national ou local ?
  • Comment la diffusion des chartes déontologiques et le développement des comités d’éthique participent-ils à la mise en avant de principes moraux considérés comme universels et transdisciplinaires ? Ces principes sont-ils sous-jacents aux analyses utilisant des comparaisons internationales ?

Au-delà de ces grandes questions, nous souhaitons profiter de ce colloque pour mettre en dialogue certaines thématiques :

Les morales sous-tendant les politiques publiques et les enjeux de leur comparaison internationale : réflexion sur les politiques migratoires. L’augmentation des mouvements migratoires s’accompagne dans plusieurs pays d’une révision des dispositions les concernant au nom de principes de justice divers, allant de la morale de l’accueil du « bon réfugié » au principe de rejet du « mauvais migrant ». On observe ainsi le développement d’un « marché de la citoyenneté » (Grace et al., 2017, Brodie, 1997, 2004) et d’une logique de l’accueil plus biologique que biographique (Fassin, 2018). Quelles valeurs morales et quels principes de justice se cachent derrière ces figures du « bon » ou du « mauvais » migrant ? Quels sont ceux qui se cachent derrière les droits qu’on leur accorde ou leur refuse ? Ce colloque donne l’occasion de comparer les valeurs morales qui orientent les politiques migratoires des différents pays, mais aussi de s’intéresser à la façon dont les migrants eux-mêmes composent entre les valeurs morales des pays d’accueil et celles, parfois contradictoires, de leurs territoires d’origine.

Les politiques familiales. Les politiques familiales ont souvent été l’instrument explicite de normes familiales (Lenoir, 2007 ; Martin, 2011). Lorsque les politiques familiales sont peu développées, elles n’en véhiculent pas moins certaines normes implicites relatives à la fécondité, à la liberté des couples ou à l’idéal de « bons parents ». Variables dans l’espace (Despland, 1999), elles ont évolué avec le temps : de politiques natalistes (au nom d’une morale familiale, religieuse ou « nationale ») on a pu passer à des politiques idéologiquement neutres, de soutien à la liberté de choix des individus (famille monoparentale, recomposée, homoparentale…). La législation définit aussi des obligations familiales (envers les parents, les enfants, le conjoint) variables suivant les pays et révélatrices de normes de solidarité intrafamiliale différentes. Le colloque propose de comparer les valeurs morales qui orientent et les politiques familiales des différents pays, mais aussi de s’intéresser à la façon dont les individus eux-mêmes intériorisent, revendiquent ou encore rejettent certaines normes concernant la famille.

Vérité et post-vérité. Les différents espaces politiques et sociaux sont largement traversés par la diffusion de ce qui est aujourd’hui nommé fake news, fausses nouvelles ou infox. Le « polythéisme des valeurs » (Weber, 1963) n’est certes pas une nouveauté, pas plus que les rumeurs, mais le développement de la « post-vérité » interroge à la fois la constitution possible d’un nouveau régime de vérité (Halévi, 2017) ou d’une nouvelle cité (Boltanski & Thévenot, 1991), en tant qu’ensemble « cohérent » de principes de référence et de logiques d’action, et ses effets sur les systèmes de valeurs préexistants. Les fausses nouvelles font l’objet de recherches émergeantes. Comment sont-elles traitées en comparaison internationale ? Quels enjeux soulèvent ces objets ? Que révèlent-ils des processus de redéfinition des normes morales à l’œuvre ? Peut-on comparer le contexte de production et de diffusion des fausses nouvelles et leurs effets ?

Comment et pourquoi comparer ? Nous proposons enfin aux jeunes chercheur·es (doctorant·es et post-doctorant·es) un atelier destiné à les aider à se préparer à la comparaison (internationale) à partir de la mise en perspective de leurs travaux et projets respectifs.

Session commune CR07-CR20

La socialisation politique de la jeunesse dans les régimes de post-vérité : comparaisons internationales

Ce symposium propose de s’intéresser aux parcours de socialisation dans les régimes de post vérité (la diffusion en masse de fausses nouvelles dans le but d’influer sur l’opinion publique) et d’éclairer cette analyse à la lumière de la comparaison internationale.

1. Identifier les formes que prennent dans différents pays ces phénomènes : Qui est concerné  en termes d’origine sociale, d’appartenance ethnique ou religieuse ? Quelle est la puissance de mobilisation de ces modèles ? Par quels moyens cheminent-ils ?

2. Tenter d’ouvrir quelques pistes d’interprétation : les réflexions qui se développent sur les mouvements de résistance montrent des populations à la recherche de nouvelles formes d’expression qui rendent compte de souffrances infra-politiques. Est-il possible de distinguer l’émergence de causes légitimes de tentatives de « gouvernement par le mensonge » ? Comment ces constructions font-elles tenir ensemble des héritages très anciens, comme le rejet des étrangers ou l’antisémitisme, avec des argumentations contemporaines ?

3. Identifier et analyser les tentatives de recadrage qui se mettent en place : Comment ces démarches se situent-elles entre deux écueils : la relativisation et la stigmatisation de catégories déjà victimes d’exclusion ? D’un pays à l’autre, les modes de traitement et de recadrage des fausses nouvelles, mais aussi d’éducation à y répondre différent-ils et, si oui, pourquoi ?

Session commune CR20-GT24

La famille à l'épreuve des changements moraux et institutionnels (et vice versa)

Cette session porte sur les nouvelles normativités morales ciblant les familles et la prise en charge du grand âge, qui font l’objet de politiques publiques variables selon les contextes nationaux. Comment s’institutionnalisent ces normativités morales relatives au « bien vieillir » et comment  se déclinent-elles selon les pays, au nom de quels principes moraux ou au prix de quels compromis ? D’un pays à l’autre et d’une communauté à l’autre, les modes d’accompagnement du grand âge et le soutien aux descendants varient considérablement. Ces variations témoignent de règles institutionnelles qui se réfèrent à des traditions parfois en tension, notamment au sein de mêmes pays où cohabitent des groupes sociaux d’origine et de culture diverses. Par ailleurs, les réponses institutionnelles nationalement apportées ne permettent pas toujours aux individus d’aller au bout de leurs choix ou de se comporter conformément à leurs principes moraux.

Les possibilités offertes de « choisir sa mort » nous paraissent fournir une illustration forte de l’état de la réflexion à la fois morale et institutionnelle dans différents pays du Nord ou du Sud, en fonction notamment de contextes culturels, politiques et religieux différents. Partout, des entrepreneurs moraux ou institutionnels s’efforcent de faire changer les règles et de construire un consensus au sein de forums sociétaux, savants ou politiques, sans pour autant éteindre toutes les controverses ni répondre à toutes les situations et demandes de choix de sa propre mort.

Les contributions pourront ainsi s’organiser autour des processus d’institutionnalisation (ou de désinstitutionnalisation) de nouvelles normativités morales et des expériences morales qui les accompagnent. La démarche comparative internationale  sera privilégiée : inter-sociétale, mais aussi inter-institutionnelle  ou inter-professionnelle.


Complément d'appel à communiquer du CR20 :

Les effets et les enjeux de la pandémie de la Covid-19 touchent particulièrement les trois thématiques au centre de notre appel : les politiques migratoires, les politiques familiales et l’ère de la post-vérité et les infox. Dans la perspective de la session commune avec le GT24, la Covid-19 a non seulement mis à l'épreuve les politiques de prise en charge du grand âge mais également redéfini la catégorie des personnes âgées en relation avec des risques liés à la maladie. Ces dimensions liées à la pandémie peuvent donner lieu à de nouvelles propositions de communication.