Le rapport à la question morale : enjeux contemporains, défis sociologiques ?
Dans la lignée des préoccupations épistémologiques, théoriques et méthodologiques du CR24 « Petites sociétés et construction du savoir » et en lien avec le thème du XXIe Congrès de l’AISLF « La société morale. Enjeux normatifs dans les sociétés contemporaines », la réflexion sur la saisie sociologique de la question morale dans la complexité de ses dimensions axiologiques, politiques, idéologiques, sociales, culturelles, religieuses organisera nos débats à Tunis en juillet 2020.
Que veut dire une « société morale », une « politique « morale », une « pratique morale », un sujet « moral » aujourd’hui dans le contexte de pluralisme normatif, d’individualisme dominant et de multiculturalisme sociétal, qui est tout autant celui du populisme et du renouveau nationaliste ? Si la différence entre le bien et le mal semble spontanément repérable par tout un chacun, comment expliquer que les débats publics portant sur une question d’intérêt général dégénèrent-ils souvent en accusations et conflits d’ordre éthique ? Les valeurs auxquelles on se réfère pour justifier une politique publique ou une action collective sont-elles compatibles sur un même plan éthique ? Au nom de quelles valeurs morales une cause est-elle défendue ? Est-ce que le vivre-ensemble et les identités multiples sont réconciliables sans tomber dans la négation, le mépris ou le relativisme, ce qui sur le plan politique et idéologique pourrait se traduire par toutes sortes de « ismes » excluant et discriminant ? Où se situe la ligne de démarcation entre économiquement pertinent, politiquement correct, socialement acceptable et moralement inadmissible ? Y a-t-il une sortie éthique des controverses morales ?
Ces questions formulées à titre indicatif ne font que préfigurer l’interrogation épistémologique, théorique et méthodologique de l’approche sociologique de la dimension morale intrinsèque à toute action en société. Comment la sociologie, héritière des principes de neutralité axiologique et de validité objective des fondateurs de la discipline, examine-t-elle la conflictualité morale des problèmes dans différents domaines de la société et expertise-t-elle les pratiques sociales incompatibles sur le plan éthique ? Faudrait-il reconsidérer la posture épistémologique et axiologique de la recherche sociologique au nom de l’honnêteté tant scientifique qu’humaine du chercheur ? Quels sont les enjeux éthiques dans l’enquête sociologique d’aujourd’hui ?
Nous vous invitons à aborder la question morale et ses multiples déclinaisons à partir des sociétés qui, dans la mouvance de la globalisation, continuent à avoir un poids et une influence fort limités tout en étant affectées par les faits et méfaits des processus à l’échelle mondiale. Qualifiées de « petites », ces sociétés non-hégémoniques constituent un poste d’observation privilégié des enjeux normatifs et moraux des pratiques contemporaines : plus qu’ailleurs peut-être, ces sociétés cherchent à résorber les conflits qui agitent – et fragilisent – toutes les sociétés, tout en cherchant souvent à justifier moralement leur raison d’être distincte.