AISLF Tunis 2021

Le Congrès est organisé à distance

GT07 - Sociologie des sexualités

Correspondant pour le Congrès : Jean-Yves LE TALEC - letalec@univ-tlse2.fr


Appel à communiquer du GT07


Géographies morales des sexualités

Depuis le début des années 1990, les géographes ont investis l’étude des sexualités (Bell & Valentine, 1995 ; Binnie & Valentine, 1999), en commençant plus spécifiquement par les sexualités minoritaires (qui ont donné lieu au développement des queer geographies). Leurs recherches étaient consacrées aux enjeux spatiaux de la sexualité humaine sous ses diverses manifestions. Mais d’emblée, ce domaine d’étude a été interdisciplinaire, d’autres chercheurs que les géographes s’intéressant aussi aux dimensions spatiales de la sexualité.

Parallèlement s’est développée une « géographie morale », label sous lequel étaient regroupées des « recherches empiriques consacrées, sous divers angles, aux formes et relations spatiales donnant lieu à une lecture morale » (Smith, 1997, p. 587 ; voir aussi Lee & Smith, 2004). Une telle approche ne pouvait que nourrir l’intérêt naissant des géographes pour la sexualité.

En France, les premiers chercheurs à s’intéresser aux dimensions spatiales de la sexualité ont été des anthropologues ou des sociologues (Mendès-Leite & de Busscher, 1997), avant que n’apparaisse une géographie de la sexualité hexagonale au cours de la décennie 2000, elle aussi fortement axée sur les minorités sexuelles (Deschamps et Gaissad, 2008). Au plan international, géographes et autres spécialistes des sciences sociales contribuent à une « géographie des sexualités », pensée comme un objet interdisciplinaire (Brown & Browne, 2016).

Les sessions du GT07 visent ainsi à inciter les chercheurs en sciences sociales à s’emparer de cet objet en dialogue avec les géographes, afin d’établir les possibilités de leur apport spécifique (ou non). Elles seront plus particulièrement centrées sur des objets relevant d’une géographie morale, c’est-à-dire concernant les lectures, discours ou actions morales relatives aux enjeux spatiaux de la sexualité. L’adjectif « moral » ne doit pas s’entendre ici dans le sens limité d’une conception conservatrice voire répressive, mais comme tout ce qui engage la définition d’une bonne ou mauvaise sexualité (dans l’espace) – il existe en effet une morale du progrès qui dicte tout autant les normes des conduites à suivre que son pendant conservateur ou répressif.

Les communications pourront concerner toutes les régions du monde, et toutes les sexualités, et notamment les hétérosexualités (Hubbard, 2000) qui, à l’exception de la prostitution, ne sont pas les mieux loties dans ce domaine d’étude. Vu l’objectif d’interdisciplinarité, elles pourront relever des différentes disciplines des sciences humaines et sociales. Elles pourront aussi envisager les façons dont les enjeux de sexualité croisent les enjeux de genre. Elles porteront notamment, mais pas exclusivement, sur les thématiques suivantes :

Espaces privés / Espaces publics / Espaces virtuels

Comment s’opère la division privé/public à propos des sexualités ? L’espace public des sexualités est-il seulement un espace de discours, de controverses, ou est-il aussi un espace de pratiques sexuelles ? Aux côtés des formes les plus notables ou spectaculaires de sexualité, il s’agira de penser une géographie morale des ordinaires sexuels, y compris dans les espaces virtuels.

Imbrication des divisions morales et spatiales

Les enjeux moraux de la sexualité tracent des lignes de démarcation entre des pratiques réprouvées ou prescrites, qui varient à travers le temps, et qui recoupent des divisions de l’espace géographique ou spatial. Des délimitations existent ainsi entre les mondes urbain et rural, entre le Nord et le Sud, etc. Ces questions sont à envisager en particulier dans leurs articulations avec les enjeux relatifs aux rapports de classe, mais aussi aux rencontres internationales, notamment Nord-Sud, coloniales et postcoloniales (Stoler, 1989). On assiste à cet égard dans de nombreux discours contemporains à une véritable partition du monde autour des questions sexuelles, qui mérite d’être analysée, à commencer par les tendances à la « mise en carte » des réalités sexuelles mondiales.

Session commune avec l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) : focus sur le Maghreb

Nous consacrerons une ou plusieurs sessions à l’histoire et l’actualité des géographies morales des sexualités au Maghreb, en lien notamment avec les thèmes de recherche développés à l’IRMC.


Complément d'appel à communiquer du GT07 :

En réponse à la pandémie de Covid-19, les mesures de police sanitaire prises dans la plupart des pays ont principalement porté sur une régulation des accès aux espaces sociaux, privés et publics : confinement au domicile, limitation des circulations et des rassemblements, distanciation sociale, contrôle des voyages, fermeture des lieux de convivialité et de spectacle, etc. Ces contraintes s’accompagnent de multiples conséquences sur la sexualité : fermeture des lieux et des espaces de rencontre ordinaires, cohabitation « confinée » ou distance imposée aux couples, « chômage » forcé des travailleurs·euses du sexe, fréquentation intensive d’espaces virtuels… Les discours qui encouragent au respect de ces contraintes spatiales et sexuelles s’appuient sur une « morale de crise », voire sur une « panique morale » (comme souvent lorsque la santé des populations se trouve menacée). Ces enjeux s’inscrivent dans l’appel à communications général du GT07 et appellent à de nouvelles propositions, dans le contexte large de la pandémie de Covid-19.