AISLF Tunis 2021

Le Congrès est organisé à distance

GT08 - Déviance et criminologie

Correspondant pour le Congrès : Patrice CORRIVEAU - patrice.corriveau@uottawa.ca


Appel à communiquer du GT08


La société morale face à la déviance

Lorsqu’il est question de déviance, de crime et de criminalité, la dimension morale ne paraît jamais loin et, pour tout dire, aller de soi. Or, la manière d’aborder ces phénomènes aujourd’hui vient quelque peu bousculer ce postulat : d’une part, parce qu’on assisterait à une réflexivité accrue sur les frontières et les fondements du bien et du mal ; d’autre part, parce qu’il serait de plus en plus question d’une mise à l’écart de la dimension morale à la fois dans la caractérisation et la prise en charge de la déviance et de la criminalité. Nous glisserions progressivement d’une rhétorique de la morale à une rhétorique de l’efficience. Les valeurs morales et immorales seraient reléguées à l’extérieur d’actions conçues comme étant purement rationnelles. L’action sociale ne renverrait plus à des décisions bonnes ou mauvaises, justes ou injustes, mais uniquement à des actions mesurables à l’aune de valeurs techniques et procédurales.

Concernant la montée d’une réflexivité sur la façon de questionner la dimension morale de toute une série de situations et de comportements, on peut citer la moralisation de la vie publique, les phénomènes comme la vente et l’achat de services sexuels, la consommation de drogues, le suicide assisté ou encore l’accès en ligne de contenus sexuels par les jeunes. Comme le mentionne le thème du Congrès, « les individus et les collectifs sont rarement d’accord sur l’ensemble de ce qui serait du ressort de la morale, c’est-à-dire de ce "fondamental" de l’action et de l’intention qui transcenderait les transactions et les compromis ». Par exemple, les enjeux entourant le travail du sexe/la prostitution posent la question de l’affirmation de la souveraineté sur son propre corps ? Jusqu’où l’État peut-il s’ingérer dans la liberté de ses citoyens ? Comment doit-il intervenir et peut-il encore justifier ses interventions sur un fondement qui serait d’abord moral ? De la même manière, décriminaliser un comportement comme le suicide assisté implique-t-il nécessairement une levée de son interdiction morale ?

Pour ce qui est du possible glissement d’une rhétorique de la morale à une de l’efficience, on peut penser ici à la présence accrue de catégories apparentées à celle du risque, synonyme selon certains d’un recul annoncé de notions comme la culpabilité et la responsabilité morales. Les critères d’évaluation de nos institutions porteraient ainsi de plus en plus sur l’effectivité des procédures mises en place plutôt que sur les résultats attendus. Mais ce supposé glissement est-il pour autant le symptôme d’une société amorale ? Ainsi, l’usage croissant de technologies comme la cartographie criminelle n’inclut-il pas une dimension moral(isant)e ? Dans ce cas-ci, blâmer les individus qui auront fréquenté ou laissé seuls leurs enfants dans un quartier à propos duquel ils avaient pourtant à portée de clic toutes les informations disponibles pour ne pas s’y rendre. Inversement, les processus de responsabilisation actuels se fondent-ils encore sur des notions comme la faute morale ou se situent-ils désormais plus sur un pôle motivationnel fondé sur l’initiative personnelle, l’implication et la créativité individuelles, etc. ?

C’est à partir de ces réflexions que nous invitons les collègues à inscrire leur communication dans l’un des trois axes du Congrès qui sont :

  1. Inégalité, sentiments moraux et acteur social.
  2. Controverse, action collective et engagements moraux.
  3. Institutions et dispositifs.