Laïcités, libertés et populismes
Les sociétés contemporaines connaissent des (re)configurations et des tensions multiples en termes d’enjeux moraux entourant les articulations entre citoyenneté et laïcité. Plusieurs recherches ont montré que des glissements conceptuels et politiques structurent les débats sur l’immigration, le pluralisme religieux, et la diversité, d’une telle façon où la laïcité est parfois posée comme garante des frontières et des valeurs nationales. Par exemple, dans certains contextes multiculturels, la diversité religieuse est confondue avec la diversité ethnique ou culturelle, si bien que la laïcité est parfois perçue comme un outil de régulation d’une citoyenneté nationale, voire nationaliste. De plus, la montée des nationalismes et des populismes dans différents contextes constitue une donne désormais indispensable pour mieux comprendre ces débats. Si plusieurs semblent craindre le « retour du religieux », le retour des discours populistes et politiques autoritaires ne sont pas des phénomènes à marginaliser. Dans ce cadre, on est en droit de s’interroger de savoir si laïcité pourrait agir comme garde-fou des droits fondamentaux des groupes ciblés par la résurgence des populismes ? En somme, réfléchir sur l’articulation entre laïcité et citoyenneté nécessite désormais de souscrire l’analyse aux enjeux des imbrications entre nationalismes, populismes et justice sociale.
Ainsi, les débats entourant la laïcité et la citoyenneté impliquent des groupes avec des intérêts et des projets politiques divers, parfois même contradictoires : des féministes, des groupes religieux, des nationalistes, etc. Dès lors, au-delà de la nécessité de saisir les différentes conceptions de la laïcité et ses implications quant à l’exercice de la citoyenneté, il devient encore plus pertinent de cerner les contours moraux qui sous-tendent ces conceptions. Dans la perspective de penser et comprendre les fondements moraux des différents modèles de laïcité, nous proposons de problématiser ces questions à travers les deux thématiques suivantes.
Axe 1 : Laïcités, citoyenneté et justice sociale
Alors que la laïcité a été pensée dans plusieurs contextes comme un dispositif pour le plein exercice de la citoyenneté, il n’est pas rare que certains la considèrent aussi comme une avancée pour la justice sociale. Or, bien que les acteurs sociaux brandissent différents projets politiques lorsqu’ils se prononcent sur la laïcité, la plupart appuient leur position à partir d’idéaux moraux et une certaine conception de la justice sociale. En analysant différents contextes, comment la laïcité permet-elle, ou au contraire compromet-elle, la justice sociale ? Par quels procédés sociaux se construit la valeur morale des principes de la laïcité ? Encore plus, comment se déploient ces principes et valeurs moraux dans les différentes structures sociales (système d’éducation, politiques publiques, etc.) ? Cette thématique vise donc à mettre en perspective la manière dont la laïcité peut contribuer à dessiner le clivage entre « bonne » et une « mauvaise » citoyennetés, en empruntant un discours moral.
Axe 2 : Populismes et laïcités dans des contextes politiques divers
Nous invitons, dans le cadre de cette thématique, à mettre en perspective les corrélations, les croisements et les tensions, entre les fondements moraux des populismes et les laïcités. Étant donné l’étroite relation entre démocratie et laïcité, les populismes de droite ou de gauche posent un problème pour la gestion institutionnelle des droits. Souvent, sous couvert d’une recherche de l’égalité sociale, les mécanismes démocratiques sont nullifiés et substitués par des intérêts personnels des dirigeants politiques. Cela signifie la réintroduction d’éléments religieux dans le discours et la pratique politiques. À partir de contextes politiques divers, il s’agira donc également de poser les jalons des parcours sociohistoriques de différents laïcités et populismes dans le monde contemporain.