AISLF Tunis 2021

Le Congrès est organisé à distance

GT19 - Pragmatisme

Correspondant pour le Congrès : Jean-François CÔTÉ - cote.jean-francois@uqam.ca


Appel à communiquer du GT19


Pragmatisme et rhétorique : nouvelles avenues d’analyse pour la sociologie

Le pragmatisme a suscité depuis quelques décennies un regain d’intérêt en sociologie (sur le plan international, mais au sein de la francophonie en particulier), qui s’est traduit de différentes manières : les relectures de C.S. Peirce, W. James, J. Dewey et G.H. Mead, de même que des prolongements de ces dernières dans la remise en scène de l’interactionnisme symbolique de H. Blumer, de l’écologie sociale de R. Park et des analyses dramaturgiques d’E. Goffman, ont ainsi alimenté une réflexion sociologique logée à l’enseigne d’une logique, et même parfois d’une grammaire, de la communication. Est resté toutefois à l’écart de ce mouvement un intérêt pour la rhétorique, que l’on peut pourtant associer à bon nombre de principes explicites du pragmatisme, et tout d’abord en tant que « philosophie pratique » : la volonté d’une approche sociologique tournée vers le monde social davantage que vers la théorisation pure, les efforts visant la « valorisation » (valuation) des pratiques sociales (Dewey), ou l’engagement à l’égard d’une pédagogie, pas seulement dans le domaine de l’éducation, mais dans le domaine social en général, du point de vue du réformisme politique (Mead et Dewey), engage le pragmatisme et la sociologie pragmatiste dans le sens d’un discours que la rhétorique a nommé « épidictique » (Aristote, Perelman et Olbrechts-Tyteca), axé sur le « présent », ainsi que sur le jugement critique et réflexif. Le pragmatisme s’est donc inscrit ainsi dans une longue tradition, qui remonte à aussi loin qu’Aristote (une des inspirations de John Dewey) de même que dans l’actualisation de celle-ci, que l’on peut par exemple constater dans la définition de la « rhétorique spéculative », comme axe fondamental de la sémiotique de C.S. Peirce. C’est ainsi que la contribution particulière du pragmatisme aux enjeux de la définition d’une « société morale » peut être envisagée, du point de vue de sa manière de se poser comme « philosophie morale » et de s’engager dans le débat des enjeux normatifs qui traversent la société contemporaine.

L’étude des rapports généraux entre une approche pragmatiste et la rhétorique est donc non seulement possible, mais souhaitable, afin de prolonger les possibilités analytiques du pragmatisme. Dans ce sens, la rhétorique, telle qu’elle se déploie en tant que pratique sociale dans toutes sortes d’horizons, peut également être prise directement comme objet d’analyse : que ce soit du côté des « formes de discours » (Goffman) et des situations de participation politique dans l’arène publique ; des formes médiatiques telles que les « nouvelles » (Park), ou même la publicité dans un discours social de « persuasion » ; des discours institutionnels ou organisationnels dans leur capacité de contrainte et de détermination des individus (Hughes, Goffman) ; des exigences de la vie politique, sur le plan des revendications, des politiques publiques ou des idéologies ; des développements d’une sociologie clinique visant des interventions directes dans des situations sociales de proximité, tout cela forme un vaste corpus qui peut être étudié sous l’angle des figures, stratégies ou dynamiques rhétoriques au sein de la communication sociale et culturelle au sens large. Tous ces domaines mettent en jeu les rapports entre pathos, ethos et logos, tels que la rhétorique les a posés et définis depuis ses origines, et tels que nous pouvons les appréhender dans leurs transformations contemporaines.

Les ateliers du GT19 s’ouvriront sur cette thématique large, en encourageant les interrogations novatrices susceptibles de permettre d’aligner le pragmatisme sur une perspective rhétorique, soit du point de vue de son orientation générale, soit du point de vue des nouveaux objets offerts ainsi à l’analyse.