AISLF Tunis 2021

Le Congrès est organisé à distance

GT27 - Sociologie de la philanthropie

Correspondant pour le Congrès : Sylvain LEFEVRE - lefevre.sylvain@uqam.ca


Appel à communiquer du GT27


Action(s) morale(s) des entreprises au Nord et au Sud : quelles normes, quels dispositifs pour quels objectifs ?

L’entreprise est présentée comme un acteur central du bien collectif, qu’elle en soit l’instrument (le bien collectif passerait par l’entrepreneuriat au sens économique ou par l’empowerment au sens plus large (Ehrenberg, 1991), dans une « cité par projet » valorisant l'initiative, l'autonomie, l'implication et l'innovation (Boltanski, Chiapello, 1999). C’est ainsi que l’on peut saisir les actions de la fondation Ford encourageant l’entrepreneuriat local, puis finançant le micro-crédit (Zunz, 2012), ou la consécration par le prix Nobel de la paix de l’action de Mohammad Yunus (2006) et le soutien à l’entrepreneuriat dans les pays du Sud. L’entreprise est aussi considérée comme acteur à part entière de ce bien collectif. Elle y participe via la générosité des fondations d’entreprises (Abelès, 2003). Elle peut aussi agir directement sur le développement économique et social des espaces où elle s’implante comme l’illustrent les dispositifs en faveur de la responsabilité sociale.

Ces actions ne sont pas sans lien avec la montée des injonctions morales qui sont faites aux entreprises en parallèle de tentatives pour la refonder comme « acteur collectif » (Segrestin, Hatchuel, 2012). Face aux nombreux scandales financiers, l’idée que la main invisible du marché assurerait automatiquement le bien-être des populations a en effet été largement délégitimée. Par exemple, la présence des entreprises dans les pays du Sud est questionnée au titre de l’exploitation des failles du droit international, de l’instabilité politique et des inégalités économiques. Cette présence problématique a fait l’objet de mobilisations collectives croissantes de la part d’organisations non-gouvernementales et d’entrepreneurs de cause dénonçant les affaires de corruption, ou le scandale des sweatshops (Barraud de Lagerie, 2012). Si l’action des entreprises comme facteur de développement est plébicitée, elles sont de plus en plus enjointes à répondre à des obligations morales, que l’on parle de qualité des emplois en Europe (sommet de Laeken, 2000), de développement durable, d’entrepreneuriat inclusif (OCDE), ou de responsabilité sociale des entreprise. La réponse à ces injonctions peut également passer par des comités d’éthique ou des fondations d’entreprises amenées à piloter une action philanthropique.

Ces dispositifs sont généralement traités séparément par différents champs de la sociologie, nous nous proposons dans cet appel de les soumettre à un regard commun, en les considérant comme autant d’actions accompagnées de discours ou soumises à des injonctions d’ordre moral. Ces actions ont en commun de faire des entreprises des « sources de valeurs sociales et politiques », en mesure de « se mêler du bien commun » (Bory, Lochard, 2009 : 41) avec des dispositifs allant de la prise en charge des externalités négatives de leur activité jusqu’à la participation au bien public, et ce au delà de ce que la loi locale exige des entreprises. Les traiter ensemble ne consiste pas à nier la spécificité de chacune mais bien à interroger ce que serait une·des « morale·s » d’entreprise. Trois axes seront envisagés :

  1. Interroger les fondements « moraux » des actions mises en œuvre par les entreprises.
  2. Analyser les dispositifs et les acteurs de ces dispositifs.
  3. Considérer les actions morales des entreprises dans le contexte économique, social, politique et légal singulier dans lequel elles opèrent.