AISLF Tunis 2021

Le Congrès est organisé à distance

CR09 - L'imaginaire dans l'expérience collective

Correspondante pour le Congrès : Martine XIBERRAS - martinexiberras@aol.com


Appel à communiquer du CR09


Éthiques, idéologies, et Imaginaires

La sociologie est amenée à définir, circonscrire un espace moral (territoire, et collectifs) et les fondements éthiques qui le sous-tendent, dès que l’objet sociologique touche aux modes de pensée des groupements humains. Par exemple il est désormais possible de définir a posteriori l’éthique du monde moderne, et « l’imaginaire moderne » qui le sous-tendait, comme reposant sur quelques fondements, notamment « par l’affirmation démocratique de l’égale dignité des êtres humains », mais cet ethos reste certes plus complexe à dessiner.

Ces mises à jour éthiques sont d’autant plus complexes à réaliser, que de l’imaginaire de la modernité naissante, à l’imaginaire de notre propre époque contemporaine, les mentalités collectives sont devenues plus complexes, plus variées et surtout moins partagées. Ces morales parcellarisées ou en miettes, ont laissé la place à l’individualisme, qui lui aussi propose sa propre « morale », et cette nouvelle « réflexivité » remarquée des sujets sociaux dans les sociétés postindustrielles. Cependant face aux nouvelles idéologies de notre temps, post-humanisme, écologisme, scientisme, véganisme, catastrophisme, survivalisme, terrorisme, etc… notre discipline ne peut démissionner de cette fonction d’éclaircissement des formes de représentations collectives sur lesquelles ces idéologies reposent.

Il convient toujours d’analyser si des règles et principes communs parviennent à recomposer des fondements éthiques, et lesquels ? Ainsi il serait possible d’appréhender ces différents systèmes éthiques contemporains afin d’envisager s’ils reposent effectivement sur des clivages essentiels, de façon subjective aux yeux des acteurs, ou simplement sur des points de vue objectivables par la recherche en sciences humaines et sociales. Durkheim avait déjà tracé la voie d’un programme de recherche comparatif sur les systèmes éthiques propres à un seul individu, en tentant d’envisager les cohérences où les contradictions qui découlent de l’emboîtement des ethos tels que personnel, familial, professionnel, religieux, citoyen, et au plus haut niveau avec une « morale universelle » (Durkheim, 1950).

De plus, il est toujours enrichissant d’observer si un système moral est inspiré par un imaginaire, et lequel ? Quelles valeurs bien définies permettent de fonder ces normes et règlements ? Ou encore, à partir de quels mythes, ou éléments de mythe, représentations, croyances, se sont constituées historiquement ces « valeurs morales » considérées ? Car contrairement à la philosophie morale, qui prétend dire ce que seraient de « vraies » valeurs, la « sociologie axiologique » s’attache à décrire ce que sont les valeurs pour les acteurs (Heinich, 2017). Ainsi Mary Douglas posait déjà la question du fondement des collectifs et observait comment la première règle d’institution du premier règlement commun repose à la fois sur un comportement agréé par le groupe, mais aussi sur une idée ou une valeur commune, un consensus « moral » (Douglas, 1989).

Décrypter la présence d’éthiques dans les formes d’idéologies contemporaines, politiques, écologiques, scientifiques, ou religieuses… et les imaginaires sur lesquels ces morales ont pu s’instituer, apparait toujours et plus que jamais, comme une des missions fondamentales de notre discipline.