AISLF Tunis 2021

Le Congrès est organisé à distance

CR31 - Sociologie de l'enfance

Correspondante pour le Congrès : Régine SIROTA - regine.sirota@parisdescartes.fr


Appel à communiquer du CR31


Quand se fabrique l’enfance, quelle morale tirer de cette histoire ?

1. L’Enfant, sujet moral et de moralisation

L’enfant est à la fois un sujet moral qui apprend les normes sociétales mais également un sujet de morale c'est-à-dire un sujet qui occasionne la production de normes morales orientant tant la vision de sa participation et de son développement que celle des devoirs affectés aux instances d’accompagnement. Il peut être également vecteur de morale. Ces normativités morales sont actuellement caractérisées par une injonction forte à la réflexivité et à l’internalisation y compris sous ce qui prend l’apparence d’un souci de soi. Positiver ses émotions, canaliser ses frustrations… sont devenus les mantras d’une nouvelle forme d’individualisme où la responsabilité de soi sur soi deviendrait une norme morale générale. Dans quelle mesure est-elle réinterprétée de manières variables selon les situations sociales en termes de stratification sociale, de genre, d’ethnie et de race, et ce dès l’enfance ?

2. Controverses autour de l’enfance

Les controverses autour de l’enfance mettent en exergue les répertoires et régimes de justification qui encadrent émotions et imaginaires en jeu quand s’exacerbe la passion de l’enfance et sa sacralisation. Ainsi s’alimentent nombre de combats au quotidien ou/et de paniques morales, navigant entre sphère privée et sphère publique, autour de thématiques telles que éducation bienveillante versus autorité, bientraitance et maltraitance, intérêt de l’enfant, châtiments corporels, parole de l’enfant, protection de l’enfance devant TDH ou vaccination, enfants victimes, pédophilie, droit à l’enfant… Dans quels systèmes de tensions s’expriment-elles ? Quels en sont les acteurs : parents, experts, médias, politiques ? Au travers de quels régimes émotionnels ? Comment s’articulent ou s’opposent rhétorique du sentiment et devoir moral pour penser « l’intérêt de l’enfant » ? Au travers de l’analyse de ces « causes » de l’enfance, mettant en jeu autant souffrance que dignité, il s’agirait de s’interroger sur les fils qui lient ces nouvelles figures de l’enfance.

3-Politiques de l’enfance et nouveaux entrepreneurs de morale

De nouvelles approches dans la mise en place d’interventions socio-éducatives et de dispositifs de prévention se sont mises en place en vue de favoriser le « bien-être » de l’enfant, et la prévention des risques. La responsabilité individuelle est devenue le levier principal dans la manière d’envisager la normalisation des styles éducatifs. Éducation bienveillante, parentalité positive, dialogue et négociation appartiennent aujourd’hui à une terminologie inscrite dans la législation. Quels sont les nouveaux entrepreneurs de morale ? L’injonction à l’autonomie portée par les discours institutionnels et leurs acteurs concrets cible directement l’enfance et la jeunesse. Dans ce contexte, l’autonomie des enfants est pensée au travers de leur capacité d’action voire de leur puissance d’agir. Les enfants et les adolescents sont ainsi conçus comme des acteurs de leurs pratiques, responsables de leurs attitudes. En quoi les discours publics véhiculant une figure de l’enfant-acteur viennent imposer de nouvelles normativités non seulement « sur » mais « par » les enfants ? Comment les injonctions sociétales relatives à l’autonomisation de l’enfant (en matière de santé, d’éducation, etc.) participent d’une moralisation de sa famille ? Dans quelle mesure l’autonomie est conceptualisée et opérationnalisée de façon différente selon l’origine sociale et les contextes de vie de l’enfant ?

4-Éthique de la recherche et enfance

Les figures de l’enfance évoluant et le statut de l’enfant se définissant juridiquement plus précisément, l’éthique de la recherche s’en trouve modifiée, imposant de nouvelles interrogations : quels accès à l’enfance ? à quels enfants ? avec les enfants ? comment ? pourquoi ? avec quels effets-retour sur les protocoles de recherche ?

Session commune CR06-CR31

Enfance / vieillesse : des lieux de lecture des normes morales des sociétés contemporaines

Les représentations vernaculaires des âges de la vie conduisent à penser enfance et vieillesse dans une opposition assez forte : signe d’acquisitions de capacités dans un cas, chronique de pertes annoncées dans l’autre. Pourtant, elles constituent toutes deux des lieux de lecture privilégiée des visions de l’avancée en âge et derrière elles, du type d’« individualité » aujourd’hui valorisé. Cette session commune entend contribuer à la rencontre des deux champs autour de plusieurs questionnements.

Enfance et vieillesse pourront, par exemple, être mises en perspective en regard des expériences sociales de l’avancée en âge. Dans les deux cas, elles sont analysées comme un processus de réorganisation permettant une adaptation de l’individu à une variation de ses possibilités et de ses occasions d’engagement. Mais si la sociologie du vieillissement parle de déprise et de fragilité, la sociologie de l’enfance évoque, elle, la vulnérabilité et l’agency. Quels points communs/différences entre ces notions ? Que permettent-elles d’éclairer dans ces deux champs respectifs ?

Sur un autre registre, enfance et vieillesse renvoient à des positions de minorité à protéger, de charge (volontaire ou non) pour les autres générations. C’est donc deux temps/groupes autour desquels naissent des paniques morales dont les mises sur l’agenda politique des divers États-Nations doivent être étudiées.

Session commune CR13-CR31

Penser l’enfance au prisme des normativités médicales et sanitaires

Reflétant l’évolution du statut de l’enfance, de nouvelles normativités de sa prise en charge médicale, sanitaire et sociale se diffusent. De manière emblématique de cette nouvelle sensibilité, on pourrait citer la reconnaissance de la douleur de l’enfant. Se modifie ainsi la prise en compte de l’enfant dans la construction de ses itinéraires thérapeutiques ou dans la gestion quotidienne des maladies chroniques. Ces mutations prennent place dans une économie morale plus générale faisant appel aux paradigmes de l’économie néolibérale tel que le recours à l’autonomie et à la responsabilisation de l’acteur. Rencontrant le paradigme de « l’agency », de nouveaux regards tant sociaux que sociologiques se construisent alors sur la place de l’enfant face aux instances de sa prise en charge que ce soit la famille ou les institutions sanitaires ou hospitalières. La connaissance et la reconnaissance des compétences produites par les enfants sur leur corps et leur santé se posent. D’autant que l’enfant est devenu une interface potentielle entre politique publique et sphère privée, qu’il soit vecteur de normes (exemple des pratiques alimentaires « bio ») ou supports de controverses sociales (ex : vaccination). Ainsi la passion de l’enfance peut-elle aller à l’encontre des politiques sociales/publiques par inflation du principe de précaution ou venir les renforcer et leur donner un sens. On pourrait donc s’interroger sur les nouvelles normativités de cette prise en charge en les situant, dans leurs variations socio-historiques, leurs effets en termes de normalisation et leurs conséquences en termes d’inégalités.


Complément d'appel à communiquer du CR31 :

Au cours de la période de confinement, due à la pandémie de Covid 19, l'enfance a souvent été au centre de l'actualité. Les écoles étant fermées, la place de l'enfant, tant dans la cité que dans la cellule familiale a été rediscutée et mise à l'épreuve de multiples façons. Avec un effet de loupe, les inégalités de l'enfance  ont été particulièrement mises en évidence, pour faire face au confinement, en termes de logement, d'alimentation, d'éducation formelle et informelle, de santé physique et psychologique et de bien être, mais aussi de vulnérabilité et de maltraitance.
En même temps de multiples ressources virtuelles ou de rituels ont vu le jour et se sont réinventés pour maintenir le lien social autour de l'enfant ou par l'enfant sur le plan générationnel ou intergénérationnel. Les enfants eux-mêmes ont eu à faire face le plan pratique et émotionnel à ce qu'ils ont pu ressentir comme difficultés de la situation, ou à en saisir les opportunités par rapport au cours ordinaire des jours. Comment ce maillage des instances de socialisation et ces interactions multiples s'est-il mis en place ?
La pandémie a permis que des problématiques de recherche se croisent et que l'enfance devienne, pour ceux qui n'en étaient pas toujours familiers, un terrain d'investigation fructueux, et pour ceux qui travaillent le domaine de plus longue date, un terrain profondément renouvelé. Le CR31 entend donc favoriser les échanges autour des premiers résultats des études portant sur l'enfance en temps de pandémie.