AISLF Tunis 2021

Le Congrès est organisé à distance

GT02 - Études et méthodes visuelles

Correspondante pour le Congrès : Magali UHL - uhl.magali@uqam.ca


Appel à communiquer du GT02


Mises en visibilité de la réflexivité morale en sociologie visuelle

Si la prise en compte d’une plus grande réflexivité morale de la part des chercheur·e·s est l’une des exigences de la sociologie actuelle, tel que nous le rappelle le thème du congrès de l’AISLF, comment la sociologie visuelle doit-elle se saisir de ce constat ? De quelle manière peut-elle penser, capter et restituer le pluralisme moral des terrains sociaux qu’elle investigue en restant attentive aux intentions et émotions des sujets qui les habitent, alors que le·la chercheur·e simplement les traverse ? Quelle est, en somme, la contribution des études et méthodes visuelles à ce débat ? En quoi l’équipement visuel des chercheur·e·s aide cette exigence de réflexivité ?

La pluralité humaine, écrit Arendt, est « la paradoxale pluralité d’êtres uniques » (1983 : 18), unique par leur appartenance au genre humain, plurielle par la diversité de leur monde personnel. La restitution, à travers l’image, de cette diversité des expériences singulières qui conditionne le monde commun est un enjeu majeur de la sociologie visuelle. Or, comment mettre à profit l’attention aux sujets dans leurs différences, restituer ce qui est important pour eux, ce qui construit leur situation et guide leur action, par-delà l’appréciation personnelle des chercheur·e·s ? De quelles manières les chercheur·e·s en études et méthodes visuelles peuvent-ils·elles se projeter dans, ou se mettre à la place de, pour accéder aux valeurs morales des sujets sans interférer avec leurs propres dilemmes moraux ?

Mobiliser les ressorts de l’empathie, tel que le propose la majorité des méthodologies qualitatives aujourd’hui, est la réponse classique à cette prise en compte de la diversité sociale et culturelle. La phénoménologie sociale de Schütz (1987) a ainsi mis en évidence la pluralité des vécus en montrant qu’avec un effort de description, des mondes d'expériences privés pouvaient se transcender en une compréhension commune. Aujourd’hui la philosophie pragmatiste insiste sur l’imagination morale comme attention à autrui et capacité à s’extraire de soi pour voir moralement, c’est-à-dire « voir les individus et les situations particulières au-delà des concepts ou des schémas prédéfinis qui sont employés pour les décrire » (Chavel, 2011 : 45). La réflexion sur le caractère cognitif des émotions menée par Martha Nussbaum poursuit cette veine analytique, notamment lorsqu’elle considère les émotions comme des voies d’accès aux valeurs morales (Nussbaum, 2001).

Si ces thèses nous semblent particulièrement stimulantes dans le débat actuel, elles ne sont pas exclusives et d’autres approches conceptuelles pourraient être mobilisées. Nous invitons dès lors les sociologues à réfléchir aux dilemmes moraux qu’ils et elles rencontrent dans leur recherche en partant de cas précis rencontrés sur leur terrain, lors du recours à des méthodes visuelles. Suivant Nussbaum et Chavel qui montrent que le texte littéraire affine la connaissance morale, de quelle manière la sociologie visuelle peut-elle, rendre visible, par l’image, le pluralisme moral d’une situation ?