AISLF Tunis 2021

Le Congrès est organisé à distance

GT24 - Sociologie des institutions

Correspondante pour le Congrès : Frédérique Elsa GIULIANI - frederique.giuliani@unige.ch


Appel à communiquer du GT24


Interroger les processus d’institutionnalisation des normativités et les expériences morales

Dans une société « d’individus » où la « fin du consensus moral » (Lasch, 1979) et un pluralisme normatif semblent s’imposer, la définition de ce qui est bien ou mal semble renvoyée à la responsabilité des acteurs (Bauman, 2003). Cependant, alors que la société semble s’affranchir des traditions et de certaines formes religieuses, les bases de nouvelles normativités, voire d’un ordre moral à la fois polymorphe mais envahissant, se développe. Elles vont des « saines habitudes de vie », des Droits de l’Enfant, au professionnalisme et au culte de la performance, etc. De nouvelles normes qui ne relevaient pas du domaine public tendent à l’exclusivité et imposent aux acteurs des choix moraux préconstruits (Callon & Rabeharisoa, 1999). En regard, les expériences de nos contemporains s’expriment dans des catégories à forte connotation morale : dignité, mépris, souffrance, vulnérabilité, reconnaissance, respect, injustice. Le GT24 propose d’examiner l’implication de ces tendances à la « moralisation » des normes et expériences pour la réflexion sociologique sur les institutions. Les sessions seront centrées, d’une part, sur les processus d’institutionnalisation de ces nouvelles normativités et, d’autre part, sur les expériences des acteurs institutionnels qui les esquivent, les produisent ou les confrontent.

1. Les processus d’institutionnalisation

L’analyse des processus d’institutionnalisation de différents modèles moraux (du Bien ou de la justice) cherchera à identifier les « entrepreneurs de morale » impliqués (associations de victimes, etc.) et les circonstances sociales propices à leur légitimation. Les conflits, controverses ou tensions entre diverses normativités morales ou entre sens moral et logiques organisationnelles, économiques ou techniques pourront aussi être questionnées, ainsi que leurs effets en termes de construction de règles formelles ou de normes de comportement quotidien. Sont aussi bienvenus les questionnements sur la genèse et les fonctionnements pragmatiques des dispositifs « qui prennent en considération la question du bien et ceux qui sont orientés plutôt vers la prise en compte des différentes expressions du mal » (Boltanski, 2004). Comment contribuent-ils à la nomination, la stabilisation de nouvelles conceptions du bien (la bientraitance, le souci de soi, etc.) et du mal ; comment organisent-ils l’interprétation et la gestion des écarts à la norme morale dans son ambiguïté potentielle et sa diversité normative ? Régulent-ils aussi ses tensions avec les contraintes quotidiennes, matérielles ou organisationnelles ? Qu’en est-il lorsque ces dispositifs sont transversaux à plusieurs institutions publiques (ombudsman, « protecteur » des droits de l’enfant ou du citoyen, par exemple) et engagent des processus inter-institutionnels ?

2. Les expériences morales

L’interrogation porte aussi sur les expériences contemporaines des acteurs. Comment se concrétise l’expérience du pluralisme normatif, et se vit la nécessité d’effectuer des choix moraux dont nous sommes à la fois comptables et jamais certains des conséquences, vu l’incertitude du monde ? Quid des situations où les institutions imposent des modèles du bien agir ? Comment s’effectuent les processus de conversion normative des individus par rapport à des modèles cognitifs et normatifs changeants ? Le développement de conduites « immorales » relève-t-il de formes « d’intransigeance » (Goffman, 1968) ou de résistances assumées (opter consciemment pour un divorce conflictuel par exemple) ou d’indifférence radicale aux normativités, sauf pour éviter les sanctions (la délinquance en col blanc par exemple) ?

Session commune CR20-GT24

La famille à l'épreuve des changements moraux et institutionnels (et vice versa)

Cette session porte sur les nouvelles normativités morales ciblant les familles et la prise en charge du grand âge, qui font l’objet de politiques publiques variables selon les contextes nationaux. Comment s’institutionnalisent ces normativités morales relatives au « bien vieillir » et comment  se déclinent-elles selon les pays, au nom de quels principes moraux ou au prix de quels compromis ? D’un pays à l’autre et d’une communauté à l’autre, les modes d’accompagnement du grand âge et le soutien aux descendants varient considérablement. Ces variations témoignent de règles institutionnelles qui se réfèrent à des traditions parfois en tension, notamment au sein de mêmes pays où cohabitent des groupes sociaux d’origine et de culture diverses. Par ailleurs, les réponses institutionnelles nationalement apportées ne permettent pas toujours aux individus d’aller au bout de leurs choix ou de se comporter conformément à leurs principes moraux.

Les possibilités offertes de « choisir sa mort » nous paraissent fournir une illustration forte de l’état de la réflexion à la fois morale et institutionnelle dans différents pays du Nord ou du Sud, en fonction notamment de contextes culturels, politiques et religieux différents. Partout, des entrepreneurs moraux ou institutionnels s’efforcent de faire changer les règles et de construire un consensus au sein de forums sociétaux, savants ou politiques, sans pour autant éteindre toutes les controverses ni répondre à toutes les situations et demandes de choix de sa propre mort.

Les contributions pourront ainsi s’organiser autour des processus d’institutionnalisation (ou de désinstitutionnalisation) de nouvelles normativités morales et des expériences morales qui les accompagnent. La démarche comparative internationale  sera privilégiée : inter-sociétale, mais aussi inter-institutionnelle  ou inter-professionnelle.


Complément d'appel à communiquer du GT24 :

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