Trouver un sens à son métier ? Stratégies sexuées de résistance à l’aliénation vécue par les jeunes avocat·e·s en France et en Suisse romande
Mme Nicky LE FEUVRE
Université de Lausanne - Institut des Sciences Sociales | LAUSANNE - Suisse
(avec : Isabel BONI-LE GOFF, Eleonore LEPINARD et Gregoire MALLARD)
Résumé : Au cours des deux dernières décennies, les professions juridiques ont connu d’importantes transformations socio-économiques et démographiques, avec une fragmentation croissante de la profession, d’une part, et une intensification de la concurrence entre practicien·ne·s, d’autre part. A partir de 40 entretiens, nous mobilisons quatre dimensions de l’insatisfaction que les enquêté·e·s expriment à l’égard de leur travail: un manque de contrôle, un manque d’utilité, un manque de temps et un sentiment d’injustice. Dans un second temps, nous cherchons à identifier les stratégies de résistance que les hommes et les femmes adoptent dans les deux contextes retenus ici pour l’analyse. Or, ces pratiques varient nettement en fonction du sexe des enquêté·e·s. La majorité des jeunes avocates cherchent à redonner du sens à leur activité par le biais d’un investissement volontaire dans la défense d’une clientèle pauvre et/ou vulnérable, souvent au bénéfice de l’aide juridictionnelle. Pour leur part, les jeunes avocats hommes consacrent plus de temps et d’énergie aux activités de défense de la profession elle-même, en briguant des mandats électifs dans des structures représentatives de l’Ordre des avocats ou en rejoignant les commissions ou groupes de travail. Ces stratégies différenciées de « ré-enchantement » du métier participent à modifier « l’ancrage » des jeunes avocat·e·s dans la profession. Elles permettent de comprendre comment se dessinent, par la suite, des rapports sexuellement différenciées au maintien dans le métier.