Football féminin au Sénégal : entre controverses morales et ouverture émancipatrice
Mme Marame CISSÉ
Groupe d'études et de recherches genre et sociétés (GESTES) / Universi | SAINT-LOUIS - Sénégal
(avec : Fatou DIOP SALL)
Résumé : La bi-catégorisation stricte des genres fait partie des piliers centraux du projet ou de l’idéal de moralisation de la société sénégalaise. Ainsi, les filles qui jouent au football sont constamment soumises à des propos dénigrants : « C’est pas une affaire de femmes. « du yeufu jiguén » ou « mariez-toi, « seuyil » au lieu de jouer au football. » En dépit de ces contraintes, à l’instar des jeunes garçons, les jeunes filles investissent de manière progressive les « espaces urbains vacants » ou en friches pour jouer au football. Cette féminisation de sphères sociales dominées par les hommes présage-t-elle de nouvelles configurations normatives sous tendues par des politiques publiques en faveur de plus d’égalité? ou découlent –elle de la mobilisation discrète et ordinaire de registres d’agency individuels ou collectifs par les joueuses? Dans ce cas, quelles stratégies mettent-elles en œuvre pour produire la rencontre entre leurs aspirations, la volonté politique des pouvoirs publics (garant de l’égalité et de la justice sociale) et une tolérance sociale ? L’acquisition de cette dernière semble plus problématique car les valeurs morales véhiculées dans la société, sur lesquelles se fondent, d’une certaine façon, les politiques publiques, considèrent encore ces aspirations comme subversives, amorales. Une ethnographie collaborative menée auprès des clubs de football à Dakar et à Saint-Louis permet d’interroger les tensions entre les enjeux moraux, politiques et l’émergence de normes alternatives autour du football féminin.