Qui peut faire une science de la morale ? Sociologie et théologie à l'époque de Durkheim
Mme Clotilde PERRET Université Paris 8 - CRESPPA-CSU | PARIS - France
Résumé : La solidarité entre le projet scientifique de la sociologie durkheimienne et son engagement pour la construction d’une morale laïque n’a pas été sans susciter des réactions dans les milieux religieux de l’époque, en particulier catholiques, allant de l’intérêt pour cette science nouvelle à la vive critique (cf. par exemple Mosbah-Natanson, 2017). En 1910, Simon Deploige, prêtre catholique belge, professeur de philosophie, publie _Le conflit de la Morale et de la Sociologie_. Qualifié par Durkheim de « pamphlet apologétique » (Karady, 1975), cet ouvrage est souvent cité comme un symbole de la problématique réception de la nouvelle sociologie dans les milieux intellectuels catholiques. L’un des principaux griefs concerne l’articulation entre observation scientifique et expression des règles morales, qui, selon Deploige, sont confondus dans l’œuvre de Durkheim alors qu’ils devraient être distingués. On aimerait restituer les conceptions antagoniques du fondement légitime des règles morales que la critique de Deploige révèle. Cela permettrait de mettre en valeur la rupture introduite par l’œuvre de Durkheim par rapport aux représentations religieuses et aux philosophies qui leur étaient solidaires (Joly, 2017). On cherchera à situer cette critique dans le contexte de mise en concurrence de l’autorité morale de l’institution catholique au tournant du XXe siècle (Serry, 2004).