La culture est-elle « élitiste » ? Retour sur une idée reçue
M. Laurent FLEURY Université de Paris - LSCP | PARIS - France
Résumé : Le constat sociologique d’une distribution sociale des pratiques culturelles se double souvent d’un constat selon lequel la culture serait « élitiste ». Comment expliquer que l’énoncé qui voudrait que la culture soit « élitiste » ait pu s’imposer avec une telle évidence au cours des dernières années ? La conjonction d’un discours politique et d’un discours sociologique semble avoir provoqué quelques collusions induisant l’avènement d’un discours idéologique. L’intrication entre savoir et pouvoir semble une nouvelle fois à l’œuvre, à moins qu’il ne s’agisse d’une toute autre chose : l’apparition d’une nouvelle figure discursive « à la mode » qui s’impose avec une telle évidence qu’elle en deviendrait « le mode » de penser pour les détracteurs des politiques culturelles. Des catégories de pensée peuvent ainsi devenir des impensés partagés, nous agissant à notre insu lorsqu’elles ne sont plus interrogées. Se déprendre des catégories discursives qui peuvent s’imposer aux acteurs sociaux et politiques qui, paradoxalement, peuvent à rebours en devenir les porteurs, permettrait alors de se déprendre de catégories aux implications paradoxales. Lorsque la dénonciation de la culture, disqualifiée comme prétendument « élitiste », s’avère un discours de plus en plus répandu, corrélat du discours d’« échec » de la démocratisation, elle s’avère, contre toute attente, porteuse du risque d’une dévalorisation de la création artistique et d’une dépolitisation des politiques culturelles.