Les travailleurs sociaux dans la demande d’asile : acteurs de la « société morale » ou d’une morale sociale ?
M. Sophie MATHIEU Université de Lorraine - 2L2S | METZ - France
Résumé : La demande d’asile relève de la notion d’hospitalité, une valeur morale initialement religieuse et charitable [Dufourmantelle, Derrida, 1997 / Gotman, 2001], mais qui se trouve aujourd’hui rationalisée par des politiques publiques [Chauvière 2010]. Le travail social a aussi connu des modifications structurelles importantes, dans un contexte néolibéral [Bec, 2007 / Lyet, Molina, 2016] qui rompt avec le modèle de l’État-providence [Merrien, 2017]. Les travailleurs sociaux qui interviennent dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile doivent alors composer entre deux registres normatifs qui se confrontent : des valeurs du social et des injonctions étatiques de lutte contre l’immigration clandestine [D’Halluin, 2006]. Comment ces professionnels se positionnent-ils entre la société morale et la morale sociale ? En m’appuyant sur mon travail de thèse en cours, basé sur une approche empirique par observations et entretiens, j’aborderai les pratiques quotidiennes des travailleurs sociaux. Pris dans un cadre institutionnel contraignant [Ion, 2006(1998) / Frigoli, Jannot, 2004], ces professionnels mettent néanmoins en place des stratégies et opèrent des jeux autour des lois et des régulations prescrites [Reynaud, 1988] pour (re)définir le cadre de leur intervention et répondre à un positionnement éthique [Bouquet, 2018]. En exploitant des marges de manœuvre, ils deviennent acteurs de l’asile et des normes morales qui y sont associées.