Émotions et morale dans le milieu académique
Mme Aurélie JEANTET Université Sorbonne Nouvelle - Laboratoire Cresppa | PARIS - France
Résumé : Cette communication se propose de mettre en relief le rôle axiologique des affects. Le travail est une expérience affective, souvent déniée, du fait d'une part d’une pensée dichotomique qui oppose à l’émotion la raison, la science, l’objectivité… et d’autre part de la mise en place, dans certains milieux, de stratégies défensives impliquant un déni des affects. L'enquête que j'ai menée à la demande d'un CHSCT dans un département d'une université française illustre parfaitement cette construction, chez des enseignants-chercheurs, de normes professionnelles et de relations desaffectivées, provoquant épuisement, stigmatisation et dépressions, allant jusqu'à une crise relationnelle qui est aussi une crise morale. Le contexte de concurrence, de pénurie des postes et de précarité pour les plus jeunes, ne doit pas être oublié. L'interdiction de s'attacher aux précaires qui pourtant rendent de multiples services, de se plaindre des charges trop lourdes ou des difficultés rencontrées, ont été des éléments déterminants pour comprendre l'idéologie virile et le climat de peur qui ont sévi pendant des décennies. Ainsi, l'absence de reconnaissance de sa propre vulnérabilité et de celle des autres peut conduire à des actes immoraux aux conséquences désastreuses. Cela rejoint les analyses féministes du care mettant en relief l'importance des affects et de l'attention comme éthique (Gilligan, Breugère, Paperman, Laugier).