Technologies et morale : vers une dénaturalisation du social ?
Mme Céline BORELLE SENSE (Orange labs) et CEMS (EHESS/CNRS) | PARIS - France
Résumé : Cette communication est construite comme une contribution théorique sur les rapports entre technologies et morale. Elle croise les résultats de deux enquêtes empiriques sur le recours à des nouvelles technologies (robots sociaux et réalité virtuelle) dans le domaine de santé mentale avec des lectures relevant de différents champs de la littérature sociologique. Elle montre comment, dans un contexte caractérisé à la fois par l’avènement d’une nouvelle manière – cérébrale – d’être au monde et par un processus d’"informalisation des mœurs" (Wouters, 1977), certains dispositifs numériques sont constitués comme le support d’un travail sur soi en tant qu’être social, notamment parce qu’ils permettent de moduler la sanction morale. Ainsi le numérique participerait-il de la réflexivité des personnes sur leur socialité et constituerait-il un lieu d’enquête privilégié sur le sens ordinaire du social. Cette réflexion amène à déplacer les termes du débat sur la naturalisation du social. À rebours des travaux qui affirment que le social serait de plus en plus pensé comme allant de soi, notamment en étant rapporté à des processus biologiques, physiques ou médicaux, on défend l’idée selon laquelle l’étude des usages du numérique permet également d’observer des manières, certes naturalisantes car individualisantes, de dénaturaliser le social. Cette analyse invite finalement à penser des dispositifs libérés de cette contradiction qui favorisent la réflexivité sociologique des individus en procédant d’engagements collectifs.