Les émotions du suicide des appelés : étudier l’économie affective des luttes antimilitaristes en Grèce contemporaine
Mme Angeliki DRONGITI Université Paris 8 - Cresppa-CSU | PARIS - France
Résumé : Le service militaire d’une durée de 9 mois constitue une obligation pour les hommes grecs. Durant cette période, les jeunes hommes se suicident au moins trois fois plus que les civils de la même tranche d’âge. Même si les suicides des appelés constituent un phénomène social remarquable, ces morts volontaires font l’objet d’un débat entre, d’un côté, l’État-major et ses représentants, et, de l’autre côté, les militants des associations antimilitaristes, le Comité de solidarité aux enrôlés, l’Association des objecteurs de conscience et l’Association des parents dont le fils s’est suicidé. Les arguments politiques de ces derniers sont souvent remplacés par des discours et des mises en scène spectaculaires et émotionnelles (pleurer, crier, hurler, prier pour leurs enfants à voix haute au cours des procès, des cérémonies de cérémonie de commémoration, textes et discours faisant appel aux émotions) visant à sensibiliser l’opinion publique et les dirigeants de l’armée. L’objectif de cette communication est d’étudier l’économie du langage émotionnel de ces trois organisations antimilitaristes, qui visent de « rendre l’institution militaire transparente » (Lebedev,2013:23), de rendre visible (Barthe,2010) un cas de suicide à l’encontre de la culture du secret qui traverse l’institution (Paveau,2000). Pour ce faire, j’exploite des données recueillies par des entretiens semi-directifs avec des membres des associations, des articles de presse et des lettres de dénonciation.