Femmes et paroles dans l'Aurès : l’opérationnalité du conte comme support à la survivance du matriarcat dans la société chaoui
Mme Leila HOUADFI Université de Lille - Laboratoire Savoir, textes, langage | VILLENEUVE-D'ASCQ - France
Résumé : Objet de tensions, considérée en fonction des contextes comme un sujet sensible voire un tabou, la langue berbère en Algérie, antique par essence, a fait l’objet des siècles durant d’une invisibilisation, notamment par son absence des programmes scolaires. Toutefois, malgré cette invisibilisation au bénéfice de l’arabe et du français, le berbère n’a jamais quitté la scène nationale algérienne et a profité d’une transmission intergénérationnelle dynamique par les contes, les chansons, les proverbes et dictons, etc. Nos travaux se situent à la croisée des dimensions socioculturelle, sociolinguistique et ethnologique : par l’exemple du cas du chaoui, déclinaison aurésienne du berbère, nous nous attarderons sur la façon dont la figure maternelle (grand-mère, grande tante), passeuse par excellence, mobilise le conte dans les processus éducatifs des générations suivantes, enfants, adolescents ou jeunes adultes. La part de ces femmes, dont la majorité est analphabète, dans la survivance du chaoui est considérable. Dominées dans l’espace public, leur prise de parole et le recours au conte porteur non seulement de morale(s) mais remplissant également un rôle social de construction identitaire, recouvrent des enjeux sociaux et culturels. À partir de deux contes populaires, notre communication entend mettre en débat cet aspect de la société chaoui. Sous l’égide du conte et par le truchement d’une morale égalitaire en son sein, se dessine une réappropriation du pouvoir par ces femmes.