Les émotions en travail social : un enjeu éthique
Mme Christelle ACHARD Université de Caen Normandie - Laboratoire Centre de Recherche Risques et Vulnérabilités (Cerrev) | EVRY - France
Résumé : Nos sociétés modernes, et notamment les institutions sociales, sont aujourd'hui traversées par un processus de délégitimation des émotions – ceci tant concernant les Individus « en marge » que les professionnels du secteur social, sommés de maintenir une certaine « distance à l'Autre» dans le quotidien de leurs pratiques. Les publics accompagnés, enjoints à se rapprocher de la figure de l' Individu autonome, voient paradoxalement et dans le même temps leurs émotions disqualifiées, entre catégorisation, moralisation, et injonction à la conformité ; mais aussi entre psychologisation, médicalisation, judiciarisation et injonction à la « régulation de leurs émotions ». Pourtant, les émotions constituent bel et bien l'enjeu fondamental du travail social : d'abord langage partagé, elles permettent aux professionnels d'inscrire la relation à l'Autre dans une dynamique de reconnaissance éthique. Considérer le Sujet accompagné dans toute son individualité, au delà des catégorisations, pour dépasser les oppositions entre individu et société, et ainsi « re »lier le Sujet fragilisé à la société : tel est l'enjeu central et complexe du travail social. Confrontés à la mise en péril de la part émotionnelle de leur travail, nombre de professionnels du secteur social décident d'entrer « en résistance » : par un engagement « émotionnel » dans le quotidien de leurs pratiques, mais également dans le cadre de mobilisations collectives : révolte, colère et indignation deviennent alors leurs plus belles armes.