Politique préfigurative : une morale sans stratégie ?
M. Killian MARTIN Université de Paris - PHILéPOL : (EA 7538) : Centre de recherches en philosophie, sociologie | PARIS - France
Résumé : L’engagement préfiguratif apparaît désormais comme un motif commun à des mouvements sociaux aux formes et aux bases sociales extrêmement diverses et fait à juste titre l’objet d’une abondante réflexion sociologique (Pleyers, 2016 ; Pruvost, 2017). Cette tendance est interprétée comme un réinvestissement de principes politiques (égalité, démocratie) sous forme de normes pour l’action pratique et de culture (Ogien et Laugier, 2014). Si une analyse de ces modes d’organisation et de subjectivation selon une grille de lecture morale peut être heuristique et donner un appui empirique et compréhensif à des philosophies politiques qui la précèdent (Rancière, Honneth), il nous semble utile de resituer cette transformation dans le registre de la stratégie. Nous voudrions montrer que les registres moraux et stratégiques ont, tout au long de l’histoire des mouvements sociaux, été mobilisés simultanément – parfois de façon antagonique, parfois conjointement – par leurs acteurs comme par leurs théoriciens pour penser la question de l’adéquation entre les fins et les moyens, et donc de la politique préfigurative. Nous mettrons en évidence la persistance contemporaine de modes d’articulation classiques entre ces deux registres mais aussi l’apparition d’une tendance nouvelle à l’autonomisation des moyens par rapport aux fins (Agamben, 1995 ; Allavena, 2020) menant à une évacuation, en apparence seulement, de la question stratégique.