Complexité de la construction morale de Rousseau et implications sociopolitiques
M. Denis MARTOUZET Université de Tours - UMR 7324 CITERES | TOURS - France
Résumé : La communication propose une approche interdisciplinaire pour l'analyse du positionnement moral d'un individu, entre dimension psychoaffective et dimensions philosophique, rationalisante, stratégique et politique. Il s'agit, à partir d'une analyse fine de la morale rousseauiste, tel que Rousseau l'exprime notamment dans ses Confessions, de montrer comment c'est la relation entre la société et l'individu qui impose à l'individu une forme morale et, en retour, comment Rousseau essaie d'imposer cette forme morale à la société. Plus précisément, Rousseau entretient avec la société une relation difficile (au point de "n'avoir plus d'autre société que lui-même") et notamment avec la société urbaine. Il affirme alors que la ville est "le gouffre de l'espèce humaine" et nous montrons que ses Confessions ne sont qu'un vaste outil de propagande antiville (Rousseau préfère, sur le plan politique, la petite cité qui permet le contrôle de chacun par tous, à la grande ville avec les membres de laquelle il ne sait pas échanger) et il devient, aux yeux de ses lecteurs, le "chantre de la campagne". Cependant, nous montrons aussi que s'il déteste la ville, c'est parce qu'il l'aime (sinon, il n'aurait pas "besoin" de la détester) : les processus en œuvre sur le plan psychoaffectif sont complexes, avec notamment le renforcement réciproque des contraires. Rousseau ne s'extrait de ses contradictions que par la morale qu'il s'impose à lui-même mais cherche aussi à imposer, politiquement et socialement aux autres.