Transformation de soi et règles de sentiments. Sociologie des émotions et pratiques récréatives en milieu montagnard
M. Stéphane MARPOT
Université Savoie Mont Blanc - laboratoire EDYTEM (UMR 5204) | CHAMBÉRY - France
(avec : Clémence PERRIN-MALTERRE)
Résumé : De nos jours, les pratiquants de sport de nature en montagne cherchent à transformer leurs existences, en quête d’un ensauvagement, d’un répit social (Héas, 2004) dans un « espace naturel confortable » (Kalaroa, 2001). Cette recherche sensorielle repose sur un phénomène : l’écologisation des pratiques et des pensées. Cet « ensemble d’entreprises de recadrage cognitif et normatif visant à une inflexion environnementale plus ou moins forte des normes et pratiques sociales en vigueur dans le domaine considéré » (Ginelli, 2015) interroge pourtant. Dans quelle mesure l’expérience montagnarde procède de ce qu’Arlie Hochschild nomme « capitalisme émotionnel » (2017) ? Le travail émotionnel mis en œuvre dans le ressenti et l’expression de la peur me servira de point d’entrée afin de saisir les règles de sentiments (Hochschild, 2014), associant peur, plaisir et risque. Car la gestion rationnelle du risque dont font preuve les pratiquants ne peut être appréhendée sans prendre en compte la socialisation émotionnelle qui a eu lieu en amont. Par le biais des récits de vies collectés entre 2019 et 2020, nous considérerons les variations de règles de sentiments entre les espaces montagnard, professionnel et domestique. Enfin, cela nous conduira à interroger l’orthodoxie des rapports de genre alors qu’aujourd’hui les recherches soulignent la prégnance de stéréotypes hétéronormatifs reposant sur un imaginaire romantique masculin de conquête et d’aventure (Godtman Kling, 2020).