Inégalités d’exposition aux pesticides. Entre objectivation des sociologues et sentiments moraux des travailleurs agricoles
Mme Agossè Nadège DEGBELO
Université de Bordeaux-INRAE - UR-ETBX | BORDEAUX - France
(avec : Jacqueline CANDAU et Ludovic GINELLI)
Résumé : Quels sont les partis-pris moraux des sociologues dans l’étude des inégalités environnementales ? Peuvent-ils entrer en contradiction avec les sentiments d’injustice des personnes identifiées par les chercheurs comme victimes de telles inégalités ? Les sentiments d’injustice sont ici définis, à la suite de Boltanski et Thévenot (1991) puis de Dubet (2005), comme des sentiments moraux en ce sens qu’ils expriment « les jugements moraux associés à ces expériences [inégalitaires] » (Dubet, 2005 : 496). Nous explorerons ces questions à partir d’une recherche que nous menons actuellement sur les inégalités d’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides .1 Seront explicités dans un premier temps nos partis-pris moraux implicites ou non, parfois assumés, tels qu’ils peuvent se lire dans l’impulsion de la recherche et les choix méthodologiques d’objectivation, qui nous ont conduits à engager une recherche-action. L’exploitation d’une base de données existante révèle bien des inégalités d’exposition que nous comparerons à plusieurs enquêtes menées aux Etats-Unis. En revanche, l’enquête qualitative menée en Gironde montre que les travailleurs viticoles dénoncent rarement leurs situations d’exposition et les problèmes de santé engendrés, à l’exception de ceux qui sont mobilisés dans un collectif. Comment interpréter ce décalage entre partis-pris moraux de recherche et sentiments d’injustice tus chez les travailleurs ? 1: Recherche financée grâce à deux projets : Cittep et Expojust.