Gilets jaunes des ronds-points : monde populaire et critique sociale ordinaire de bon sens
Mme Karine CLÉMENT CRESPPA-GTM | PARIS - France
Résumé : A partir d’une enquête ethnographique de plus d’un an sur des ronds-points de Lorraine, le papier propose de tenter une première élaboration de la critique sociale populaire ordinaire que l’auteure appelle de bon sens, ainsi que sur l’imaginaire politique qui l’alimente et est alimenté par cette critique. La critique sociale populaire ordinaire est une critique des maux structurels du système économique, social et politique actuel émise par des personnes peu formées aux jugements et discussions politiques et qui se pensent ordinaires, voire font de l’ordinarité un enjeu de lutte. Cette critique mêle deux dimensions fortes : celle du commun, au double sens d’ordinarité et de communalité, et celle du terre-à-terre, au double sens du corps et du sensible. L’utopie qui se dégage des ronds-points, dans le ici et maintenant du faire et du parler en commun, du partager et de l’agir ensemble, c’est celle de l’égalité radicale de tous en tant qu’être humain. Cette critique peut être dite de « bon sens » (au sens orwellien du terme) par son inscription dans le monde réel du quotidien, dans le bon sens populaire, le terre-à-terre. Les modalités de son déploiement sont liées à la culture populaire telle que théorisée par Bakhtine, en particulier cinq d’entre elles : le rire, l’ironie et l’auto-ironie ; les manières et le langage grossiers ou irrévérencieux ; le travail collectif et les choses communes ; le fort investissement corporel et matériel des objets ou productions servant comme dévoilement du monde ; l’inversion bas/haut.