L’armée turque en tant que référentiel moral dans la société turque
M. Ugur KAYA Université de Nisantasi - Départements de science politique et des relations internationales | ISTANBUL - Turquie
Résumé : J’analyse le rôle de référentiel moral de l’armée turque depuis la tentative de coup d’État de 2016. Dès la fondation républicaine, l’armée turque représente le fondateur et défenseur de l’État et de la nation. Elle est l’autorité qui décrit le kémalisme, l’idéologie étatique, et l’institution principale pouvant définir le citoyen idéal. Le dicton le confirme : « chaque turc naît soldat ». « Foyer du prophète », l’armée est également le référentiel moral qui détermine l’idéal de religiosité. L’officier apparaît comme le modèle qui transfère les valeurs morales au peuple. Pourtant, l’arrivé au pouvoir de l’AKP fait surgir un nouveau récit historique relatif à la guerre de libération et fondation de l’État. En effet, les milieux non-kémalistes ou islamistes revendiquent leur rôle dans cette renaissance nationale. Ce processus prend une nouvelle envergure après la tentative de coup d’Etat de 2016. Le gouvernement entreprend une campagne massive pour exalter la nouvelle libération. Dans ce discours, c’est grâce à la résistance du peuple (et non des militaires) que le putsch a failli. Depuis, le gouvernement, qui justifie ses actions par cet événement, effectue des réformes concernant la structure de l’armée et la politique de recrutement des officiers. Parallèlement, les symboles, les rituels et la rhétorique religieuse au sein de l’armée sont renforcés. Le rapport entre l’officier et le soldat change puisque le premier perd son rôle paternel qui transfère le référentiel moral.