La cité de refuge de Le Corbusier : une morale et son ordre spatial
M. Olivier CHADOIN ENSAP Bordeaux - PAVE - Centre Emile Durkheim - CNRS 5116 | BORDEAUX - France
Résumé : En 1930 l’armée du salut commande à l’atelier de Le Corbusier la cité de refuge (Paris 13e). L’analyse de ce bâtiment en fait un fossile de l’histoire sociale des conceptions morales du traitement de la pauvreté. « Reclasser les déclassés » et remettre la ville en ordre : tels sont les mots utilisés alors et qui résument les intentions de Le Corbusier et de l’Armée du Salut. La conception morale qui guide l’action de l’armée du salut et qu’elle souhaite voir « spatialiser » par l’architecte est typique d’une vision des nécessités d’un « reclassement » des « gens de rien » au bénéfice d’une « réparation des maux de la société industrielle ». En ce début de XXe siècle ils constatent la mauvaise adaptation de la ville à la société machiniste et appellent à une « remise en ordre ». Le Corbusier, comme l’armée du salut, croit au salut des hommes dans leur vie terrestre. Un salut qui passe par la « rectitude » et, donc, le « droit chemin » : « rectitude morale » pour les salutistes et « rectitude géométrique » pour l’architecte. Ces conceptions, s’incarnent dans un bâtiment qui est une sorte de modèle renouvelé de la prise en charge des nécessiteux. Plus qu’un bâtiment, il sera nommé « usine du bien », « centre de tri », « centre de triage », « centrale de charité », de « microcosme urbain » et son rôle « d’aiguillage des indigents » et « sans taudis ». C’est cette vision morale partagée qui s’incarne physiquement dans un ordre spatial que je propose de présenter