Morale ascétique et logique de l’urgence. De quelques inégalités au sein du sport de haut niveau
M. Philippe LONGCHAMP
Haute École Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO) - Haute École de Santé Vaud (HESAV) | LAUSANNE - Suisse
(avec : Amal TAWFIK)
Résumé : Du fait qu’elle exige le renoncement à des satisfactions immédiates en vue de résultats différés dans le temps et relativement incertains, la pratique d’un sport de haut niveau recouvre nécessairement une morale ascétique au sens où l’entendait Luc Boltanski (1969). Basée sur des entretiens auprès de 30 ex-sportif·ve·s de haut niveau, la communication vise à montrer les conséquences de l’inégale prédisposition des individus face à l’imposition d’une telle morale. Ces inégalités sont particulièrement manifestes lorsque surgissent des épreuves corporelles (blessures, plafonnement ou baisse des performances) et que se pose la question de la poursuite ou de l’arrêt de la carrière sportive. Alors que les individus dotés de formes alternatives de capital (culturel, économique ou social) tendent à renoncer assez rapidement à leur carrière, ceux qui ne peuvent compter que sur leur « capital sportif » (Forté & Mennesson, 2012 ; Fleuriel & Schotté, 2011) tendent au contraire à persévérer. À la morale ascétique se substitue alors une logique de l’urgence (Vaud & Papin, 2012) qui expose les sportif·ve·s à la chronicité des blessures et à la saturation mentale. Qu’il s’agisse des pratiques relatives à l’alimentation, à l’apparence physique, aux activités physiques ou aux soins du corps, ces inégalités face à la mise en œuvre d’une morale ascétique produisent des effets profonds sur le rapport au corps des individus, effets qui se manifestent bien au-delà de la carrière sportive.