Norbert Elias et la « question animale »
M. Fabien CARRIÉ FRS-FNRS - Université catholique de Louvain | LOUVAIN - Belgique
Résumé : On propose avec cette communication de revenir sur les apports de la sociologie de Norbert Elias pour comprendre l’évolution des rapports moraux des humains aux animaux. Nombre des travaux qui mobilisent les outils conceptuels du sociologue allemand s’en tiennent à des analyses texto-centrées pour rendre compte de ces transformations, en se fondant bien souvent exclusivement sur les documents des organisations militantes animalistes et de leurs adversaires. Une telle tendance tend à laisser de côté l’examen des manières de faire et des modes de consommation, de même que l’étude de l’activité d’arbitrage de ces luttes de sens par l’Etat et conduit dès lors les auteurs à surévaluer l’ampleur des transformations considérées. Cette communication se fonde sur les résultats d’une recherche comparée consacrée aux développements de la cause animale en France et en Grande-Bretagne du XIXe siècle à nos jours. Sur cette base et dans le droit fil d'une analyse eliasienne pensant ensemble sociogenèse et psychogenèse, on essaiera de montrer l’intérêt d’une démarche articulant l’analyse des luttes symboliques et politiques autour des animaux et de leurs conditions avec, d’une part, l’examen de la sanction de ces luttes par l’Etat et leur traduction dans le droit et, d’autre part, l’étude effective des pratiques et usages sociaux impliquant des animaux. C’est à ce prix que peuvent s’apprécier dans une perspective sociologique les évolutions sur le temps long de nos rapports moraux aux bêtes.