Revendiquer le droit d’emprunter la voie de la migration « irrégulière » par la recherche d’une vie digne hors de Tunisie
M. Simon MASTRANGELO Université de Neuchâtel - Forum suisse pour l'étude des migrations et de la population | NEUCHâTEL - Suisse
Résumé : Au centre des revendications des jeunes Tunisiens qui quittent leur pays par émigration ‘irrégulière’, on trouve la notion de dignité. Ceux qui partent sont à la recherche d’une vie digne nourrie par des imaginaires migratoires. Ils ne décrivent pas une quête d’Eldorado mais expriment le souhait d’échapper au sentiment que leur dignité est bafouée, ce qui s’exprime par le terme de hogra, qui englobe notamment la notion de mépris. Désillusionnés par l’idée d’un changement par la politique, ils décident de se faire justice eux-mêmes. Le sentiment de blocage et d’immobilité ressenti en Tunisie par certains individus leur retire l’envie de se construire ici et maintenant. Pour ne pas “devenir fou”, ceux qui n’ont pas accès au régime des visas ne voient aucun autre moyen de résistance que le désengagement d’avec la société et le développement d’un projet migratoire. Même si pour certains, ce projet ne se réalise jamais, sa conceptualisation apporte déjà le sentiment qu’il est possible de contester un ordre social considéré comme injuste. L’émigration est perçue comme le moyen de prendre sa revanche. Basée sur une recherche croisant ethnographie classique et ethnographie digitale (principalement sur Facebook), cette communication permet de saisir comment la contestation se développe parmi ceux qui vivent ou ont grandi au sein des quartiers les plus défavorisés de Tunisie.