AISLF Tunis 2021

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Communication #839 présentée dans le GT20 - Études animales

(Im)moraliser la mise à mort des animaux d'élevage

M. Felix JOURDAN
INRA / université Paul Valéry Montpellier 3 - UMR Innovation 0951 | MONTPELLIER - France

Résumé : Alors que la médecine vétérinaire s’institutionnalise au XIXe siècle et trouve notamment sa légitimité dans le contrôle sanitaire des viandes, les premiers traités d’inspection en abattoir comportent, aux côtés des prescriptions sanitaires, des considérations morales sur la façon d’abattre les animaux. Par la disqualification des pratiques empiriques des bouchers et des procédés religieux de « sacrification », la représentation d’un abattage « humanitaire » des animaux d’élevage se dessine peu à peu autour de l’utilisation de certaines techniques d’assommage. Elle conduit en 1964 à l’obligation systématique d’étourdir les animaux avant leur saignée, sauf pour les cultes juifs et musulmans qui bénéficient jusqu’à ce jour d’une dérogation. Conduit au nom de la protection animale, ce processus tend à exclure le religieux de la sphère morale et à établir une frontière entre l’abattage humain, réalisé avec étourdissement, et la mise à mort barbare, réalisée sans. Avec la montée en puissance du « bien-être animal » depuis les années 2000, l’abattage rituel semble devenir intolérable en abattoir. Il s’agira de montrer dans cette communication en quoi la question de l’étourdissement constitue en fait le point d’achoppement entre deux régimes de justification de la mise à mort animale. L’un fonde sa légitimité dans la maîtrise scientifique et technique de l’abattage, l’autre réintroduit Dieu – non sans perturbations – pour justifier du bien-fondé des pratiques.