Construction du savoir ou épistémologie du Sud ? La femme-voilée comme révélateur des enjeux normatifs et moraux des sociétés contemporaines
M. Pierre LÉNEL CNRS - Cnam - LISE | PARIS - France
Résumé : Depuis une vingtaine d'années, dans les régions non-occidentales de la production sociologique, émergent des propositions qui font signe dans la direction d'une « autre » rationalité, d'une « manière alternative de penser les alternatives » (de Sousa Santos, 2011). Ce que l’on appelle parfois les épistémologies du Sud ne renvoie pas (seulement) à une situation géographique mais plutôt à une posture non hégémonique dans la société ou le champ du savoir. Il s’agit pour certains d’élaborer un pluriversalisme (E. Dussel, 2009), un universel qui admet l’existence de la pluralité. A partir de cette perspective, notre communication s’appuiera sur les propos récents d’un ministre de l’Education nationale et sur les débats qui depuis maintenant 30 ans posent de manière récurrente la question de la « femme-voilée » dans l’espace public français. A quelle conception du vivre ensemble (valeurs ? principes ? conceptions substantielles du Bien ?) la République fait-elle appel lorsqu’elle semble, par la voix de son ministre, contester la légitimité du port du voile par ces femmes ? Au-delà d’une interprétation politicienne de cette actualité, il s’agira pour nous de tenter d’explorer le « Nord » à partir du « Sud », de penser avec E. Balibar (1997) les conditions même de possibilité de maintenir la « composante universelle » du combat contre les discriminations, tout en maintenant ce qui peut relever d’une différence, voire d’une « différence anthropologique fondamentale » (Balibar, 1997).